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  Saturday, 22 July 2006
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Les Sonnets - 1 à 50 (écrites entre 1593-1594)


1

Des créatures les plus belles
nous désirons des naissances,
que les beautés de la rose ne puissent mourir,
mais que si la très mûre doit périr
en son temps, son frêle héritier puisse
en donner mémoire.
Mais toi, voué à tes seuls yeux resplendissants,
tu nourris l'éclat de ta flamme par le brûlement
de la substance de toi-même, créant une famine
où c'était l'abondance, toi-même ton ennemi
et trop cruel envers ton cher toi-même.
Toi qui es aujourd'hui frais ornement du monde,
et seul héraut du merveilleux printemps,
tu enterres ton bien dans l'unique bourgeon,
cher avare, tu fais par lésine la ruine.
Aie pitié pour le monde - ou bien sois ce glouton :
mange le dû au monde, par toi, et par la tombe.

2

Lorsque quarante hivers auront assailli ton front et creusé au champ de ta beauté des tranchées profondes, la fière livrée de ta jeunesse si bien regardée maintenant sera la vêtement foulé que l'on tient pour peu de chose;
Et sollicité de dire où elle gît ta beauté, où gisent tous les trésors de tes jours de volupté : répondre qu'ils sont dans tes propres yeux creux, ce serait dévorante honte, louange impuissante.
Que l'usage de tes beautés mériterait plus de louange, si tu pouvais répondre "Un bel enfant de moi va payer pour mon compte, il excusera mon âge", en montrant sa beauté tienne par succession. Ce serait faire neuf alors que tu es vieux, et voir ton sang brûlant alors que tu l'as froid.

3

Regarde en ton miroir, dis à la face que tu vois : le temps est maintenant venu que cette face en informe une autre, de laquelle si tu ne ravives ton bel état, tu frustreras le monde en laissant sans bénédiction quelque mère.
Car où est la très belle au sein non travaillé qui dédaignerait les soins de ton labour? Ou qui si arrogant voudrait être tombeau, de son amour, en fermant la postérité ?
Tu es le miroir de ta mère, et elle en toi rappelle les amoureux avrils de son prime âge, ainsi à toi à travers les vitres de ton âge pourras recevoir en dépit des rides ton temps doré.
Mais si tu vis remémoré de ne pas être, alors meurs seul, et ton image meurt avec toi.

4

Infructifiante chose à aimer, pourquoi dépenser pour toi-même ton héritage de beautés? Les biens de la Nature ne sont pas dons mais prêts, et franche, elle prête à ceux-là qui sont libres :
Alors, ô bel avare, comment fais-tu abus des énormes faveurs accordées pour donner? Usurier maladroit, pourquoi uses-tu d'une pareille somme de sommes, cependant que tu ne peux la vivre ?
N'ayant commerce qu'avec toi, toi de toi-même fraude ton propre toi; ainsi quand la Nature t'appellera à partir, quel acceptable acquit pourras-tu fournir?
Enterrée avec toi, ta beauté non usée! qui employée vivrait exécuteur de toi.

5

Ces heures, qui par gentil travail formèrent la merveilleuse vision sur laquelle tout oeil est fixé, elles joueront les tyrans sur cette chose-là même, à faire laid ce qui bellement excellait.
Car le temps jamais en repos conduira l'été jusque dans le hideux hiver et l'anéantira : sève durcie du gel, feuilles belles éloignées, beauté dessous la neige, et partout nudité.
Alors si la distillation de l'été n'avait laissé un prisonnier liquide entre des murs de verre, la vertu de beauté comme la beauté même en rien ne serait plus, ni elle ni aucune image de ce qui fut.
Mais les fleurs distillées, bien qu'abordant l'hiver, ne perdent qu'apparence, et purement subsiste encore leur substance.

6

Alors ne laisse pas la main décharnée de l'hiver défigurer l'été en toi avant que tu sois distillé; fais quelque doux cordial; thésaurise en quelque lieu secret ton trésor, avant qu'il se soit tué;
Cet usage n'est pas usure défendue, et réjouit celui qui paie prix volontaire.Pour toi-mème, c'est engendrer l'autre toi-mème, or dix fois plus heureux, dix le sont plus qu'un seul.
Dix fois toi-mème seront plus heureux que tu n'es, si dix êtres de toi dix fois te reproduisent, et que pourra la mort te faisant disparaître en te laissant vivant dans la postérité?
Ne soit point obstiné, beaucoup trop beau tu es - pour être la proie de la mort et faire ton héritier les vers.


7

Ah! de l'orient quand la royale lumière lève sa tête ardente, chaque oeil d'en bas fait hommage à la vision nouvelle survenue, en servant de regards sa majesté sacrée;
Puis comme elle a gravi la céleste colline, ressemblant à la forte jeunessse du plein de l'âge, les mortels regards adorent sa beauté encor et la suivent selon son pélérinage d'or;
Mais quand du sommet haut, par le char fatigué, pareille à l'âge faible elle s'écroule hors du jour, les yeux déjà inquiets prennent une autre voie en se détournant alors de son bas cours;
Ainsi toi, te dépassant toi-même dans ton midi, mourras non regardé si tu n'as pas un fils.

8

Toi musique à entendre, pourquoi entends-tu la musique tristement? Douceur et douceur ne se font point la guerre et la joie dans la joie trouve contentement: pourquoi aimer ce que sans bonheur tu reçois, ou pourquoi recevoir l'ennui avec faveur?
Si la concorde vraie des sons bien accordés, et par union mariés, offense ton oreille, les sons doucement te grondent de confondre en une les parties que tu dois assumer.
Vois comment chaque corde étant mari de l'autre, elles sonnent en mutuel ordre l'une à l'autre, unissant le seigneur l'enfant l'heureuse mère, qui tous en un chantent le son plaisant :
Dont la voix sans parole, où beaucoup se fait un, te chante à toi: "Toi seul ne prouve rien."

9

Serait-ce par crainte de mouiller un oeil de veuve, que tu te consumes en vie solitaire? Ah si sans production tu venais à mourir, le monde comme femme en viduité te pleurerait.
Le monde serait ta veuve, et toujours lamenterait que tu n'aies nulle forme de toi laissé derrière; alors que chaque veuve, par les yeux des enfants , peut garder forme de son mari en pensée.
Regarde, ce qu'au monde un prodigue gaspille ne fait que changer de mains, car le monde s'en réjouit; mais ruine de beauté dans le monde a sa fin, et beauté sans usage, l'usager la détruit.
Aucun amour envers autrui n'habite le sein qui commet sur lui-même un si honteux larcin.

10

Par honte! nie que tu portes amour à qui que ce soit, toi qui est pour toi si imprévoyant. Reconnais si tu veux être aimé de beaucoup; que tu n'aimes personne est bien plus évident.
Tu es si possédé de haine meurtrière que contre toi tu n'as de cesse de conspirer, cherchant comment ruiner ce toit de la beauté que par premier souci tu devrais soutenir.
Oh change ta pensée,que change mon jugement: la haine serait-elle mieux logée que le doux amour? Sois généreux et bon, comme l'est ta présence, ou pour toi-même enfin montre-toi de coeur franc;
De toi, fais autre toi, et pour l'amour de moi, que la beauté puisse vivre encor, dans les tiens et toi.

11

Aussi vite tu déclineras, aussi vite tu croîtras, dans l'un des tiens à partir de cela que tu perds; et ce frais sang que tu auras investi jeune, tu pourras le nommer tien quand de jeunesse t'éloigneras.
En ce sens est beauté et sagesse et crossance; sans cela c'est folie, âge et déclin froid: si tous avaient même pensée que toi, serait la fin des temps, et trois fois vingt années verraient le jugenment.
Laisse ceux que Nature n'a point faits pour réserve, durs et rudes informes, mourir stérilement; vois comme à ceux comblés elle donne plus encore, généreux don que tu devrais chérir généreusement.
Elle t'a gravé pour son sceau, et par là -- elle signifie: que tu dois en imprimer plus, ne laissant périr ta copie.


12

Quand je compte avec soin l'horloge disant les heures et vois sombrer le brave jour dedans la hideuse nuit, quand je contemple la violette fraîcheur passée,et blanche de poudre d'argent la noirceur bouclée;
Quand je vois les hauts arbres décharnés de feuilles, qui contre la chaleur ont fait tente aux troupeaux, et la moisson d'été toute ceinturée en gerbes être portée sur une bière, la barbe blanche embrousaillée;
Alors de ta beauté je fais question, que toi parmi les ruines du temps devras partir, puisque douceur beauté d'elles-mêmes s'abandonnent, et meurent, dès aussitôt que voient d'autres pousser;
Contre la faux du Temps rien ne peut te défendre, sauf engendrer, pour le braver ce temps quand il viendra te prendre.

13

Ah si vous étiez vous à vous-même! mais, amour, vous n'êtes vous-même à vous-même que tant que vit ici votre vous-même: contre cette fin qui accourt vous devez vous prémunir, et votre chère semblance à quelque autre la départir.
Alors cette beauté dont vous avez la jouissance, elle ne trouverait de fin; alors vous seriez votre vous-même encore après mort de vous-même, votre doux fruit portant votre très douce forme.
Qui peut laisser si belle maison tomber en ruine, qu'un soin familier maintiendrait en honneur, contre bourrasque et vent du jour d'hiver et stérile rage du froid éternel de la mort?
Oh seulement l'infécond. Cher amour vous savez que vous eûtes un père: que votre fils aussi de vous puisse le dire.

14

Ce n'est pas aux étoiles que je recueille mon jugement, encore que je pense avoir astronomie, et non pas pour parler de chance bonne ou mauvaise, ou de peste, disette, et figure de saison.
Je ne puis dire la fortune aux minutes brèves, annonçant à chacune tonnerre, pluie ou vent, ni prédire si cela marchera bien avec les princes, selon les signes que souvent je trouve au ciel.
Mais bien je déduis mon savoir de tes yeux, astres constants, en eux je lis la chose, que "vrai et beau devront prospérer l'un par l'autre, si de toi-même à ta réserve veux retourner";
A l'opposé je prédirai ceci de toi: "Ta fin, de vérité et beauté, sonne le glas."

15

Lorsque je considère que toute chose en croissance tient sa perfection un seul petit moment, et que cette scène énorme ne montre rien qu'un spectacle à quoi les astres par secréte influence donnent explication;
Lorsque j'aperçois que les hommes poussent comme font les plantes, encouragés ou mis en échec par le mème ciel, gorgés de jeune sève, du haut point décroissant, puis effaçant leur valeureux état de la mémoire;
Alors la notion de l'inconstant état vous fait devant mes yeux plus riche de jeunesse,vous où le Temps dévastateur se ligue avec la destruction pour changer votre jour de jeunesse en nuit souillée;
Et tout en guerre avec le Temps par amour de vous,plus il vous a dépouillé, et plus je fais greffe sur vous.

16

Mais pourquoi vous, par plus puissant moyen, ne pas faire guerre à ce sanglant tyran, le Temps? ne pas vous fortifier contre votre déclin, par moyens plus bénis que ma bien pauvre rime?
Vous êtes maintenant au haut d'heures heureuses, beaucoup de jardins vierges, non encore plantés, vous porteraient avec vertueux souhaits des fleurs vivantes, plus proches même de vous que peint votre portrait:
Les lignes de vie alors répareraient cette vie -que le crayon du temps, ou ma plume écolière,ni en valeur intérieure ni en extérieur de beauté, ne peuvent faire vous vivant aux yeux des homes.
Vous dépenser est encor vous garder;il vous faut vivre, en votre propre art habile dessiné.

17

Qui croira mon vers dans le temps à venir s'il est rempli de vos plus hauts mérites? Bien que, le ciel le sait, il n'est que le tombeau qui cache votre vie, ne montrant vos avantage qu'à demi.
Si je pouvais écrire la beauté de vos yeux, et de mètres nouveaux dénombrer toutes vos grâces, l'âge à venir dirait: "Ce poète est menteur, de si divines touches jamais n'auront touché une terrestre face."
Ainsi seraient mes feuilles de papier jaunies méprisées, comme viel homme de moindre vérité que le langage, et vos vrais droits tenus pour fureur de poète et d'un antique chant mètres bien maladroits.
Mais si quelque enfant de vous vivait en ce temps, vous vivriez deux fois, en lui et dans mes chants.

18

Irai-je te comparer au jour d'été? Tu es plus tendre et bien plus tempéré: des vents violents secouent les chers boutons de mai et le bail de l'été est trop proche du terme;
Parfois trop chaud est brillant l'oeil du ciel, souvent ternie sa complexion dorée, toute beauté parfois diminue de beauté, par hasard, ou abîmée au cours changeant de la nature;
Mais ne se flétrira ton éternel été , ni perdra possession de ce beau que tu as , et ne se vantera la mort que tu erres parmi son ombre, quand en rimes éternelles à travers temps tu grandiras;
Tant que les hommes respireront et tant que les yeux verront, aussi longtemps ceci vivra, ceci donnera vie à toi.

19

Temps dévorant! émousse les pattes du lion, fais que la terre dévore sa propre belle race, arrache les crocs du tigre féroce, et brûle dans son sang Phenix à longue vie;
Rends gaies et tristes les saisons en t'écoulant, et fais ce que tu veux, ô Temps au pied rapide, du monde entier et de tous ses charmes périssants; mais je t'interdis le plus odieux des crimes;
Ne marque pas avec tes heures le beau front de mon amour, ne trace pas là des lignes par ta plume très ancienne, permets-lui d'être dans ta course non touché, pour figurer les beautés aux hommes qui succéderont?
Et pourtant fais le pire, vieux Temps! malgré l'injure - par mes vers mon amour est jeune éternellement.

20

Un visage de femme par la main de la Nature peint, tu l'as, maître-maîtresse de ma passion, un doux coeur de femme mais non point familier avec le traître changement comme c'est la façon des femmes fausses;
Un oeil plus clair que les leurs, moins faux quand il tourne, et qui dore l'objet sur lequel il se fixe; homme en sa figure, ayant à sa disposition toutes les figures, qui dérobe les yeux des hommes et confond les âmes des femmes.
Et pour être femme d'abord tu fus créé; jusqu'à ce que la Nature, comme elle te forgeait, fût tombée en amour, et au surplus m'eût évincé de toi, en ajoutant la chose qui ne m'est d'aucun emploi.
Mais puisqu'elle t'a désigné pour le plaisir des femmes, que ton amour soit pour moi, et leur tresor ce soit l'usage de ton amour.

21

Il n'en est pas de moi comme de ce Chanteur,
inspiré par une beauté peinte à son poème,
qui use comme ornement du ciel lui-même,
et compare toute beauté à sa splendeur, Faisant s'accoupler riches comparaisons,
avec soleil et lune, terre et gemmes des mers,
avec fleurs écloses d'avril et toutes rares choses,
que l'air du ciel entoure de son vaste rond
Oh que vrai en amour j'écrive simple vrai,
et alors croyez-moi, mon amour aussi beau que l'enfant d'une mère
n'ira briller comme chandelles d'or fixées au ciel :
Et qu'ils en ajoutent plus, ceux qui aiment rabâcher ;
ce que je ne veux pas vendre, je ne veux le louanger.

22

Mon miroir ne me convaincra pas d'être vieux,
tant que jeunesse et toi portez la même date ;
mais quand sur toi les sillons du temps je les observe,
alors je vois la mort pénaliser mes jours.
Car cette beauté dont tu es revêtu
n'est rien que l'habillement heureux de mon coeur,
lequel dans ton sein vit comme le tien dans moi :
alors comment pourrais-je être plus vieux que toi ?
O ainsi mon amour ,sois tant de toi soigneux,
que moi je le serai pour toi non pour moi-même ;
portant ton coeur que je garderai précieux,
comme douce nourrice a gardé son bébé.
Ne compte pas sur ton coeur quand le mien sera tué ;
tu m'as donné le tien, et je ne le rendrai.

23

Comme un mauvais acteur sur scène,
qui par sa peur est mis hors de son rôle,
ou comme une créature sauvage emplie de trop de rage,
qu'une surabondance de force affaiblit dans son propre cœur ;
Ainsi moi, n'ayant eu confiance,
ai failli à dire le parfait cérémonial des rites d'amour,
et la force dans mon propre amour semble faillir,
écrasé du fardeau de mon propre pouvoir.
Oh que mes livres alors soient l'éloquence,
et les muets annonceurs de mon sein parlant,
qui plaide pour l'amour et attend récompense -
bien plus que cette langue qui plus a plus parlé.
Apprends à lire ce qu'écrit l'amour silencieux :
au fin esprit d'amour, d'entendre par les yeux.

24

Mon œil a joué au peintre et il a gravé la forme de tes beautés sur la table de mon cœur; mon corps est le cadre en quoi c'est conservé, et perspective est le plus grand art du peintre.
Car à travers le peintre on peut voir son adresse, trouver où réside la vraie image peinte, laquelle est accrochée en la boutique de mon sein dont les fenêtres ont pour vitres tes yeux.
Vois donc quelle faveur les yeux ont faite aux yeux: mes yeux ont dessiné ta forme, et les tiens se sont fait fenêtres de mon sein, à travers quoi le soleil s'amuse à percer pour te contempler.
Pourtant aux yeux manque la science qui parfait l'art, dessinant ce qu'ils voient, ils ne savent le cœur.

25

Que ceux qui ont la faveur de leurs étoiles soient fiers d'honneur public et de titres pompeux, mais moi que la fortune prive de tels triomphes, m'advient joie imprévue en ce que j'honore plus.
Les favoris des princes étalent leurs pétales, comme la marjolaine sous l'œil du soleil, et en eux-mêmes leur orgueil est enseveli, ils meurent dans leur gloire sur un froncement d'œil.
Le guerrier pour ses grands travaux renommé, après un millier de victoires vaincu, il est rayé du livre de l'honneur, et tout est oublié pour quoi il a peiné.
Alors heureux je suis qui aime et suis aimé, où ne pourrais changer, non plus être changé.

26

Seigneur de mon amour auquel en vasselage ton mérite a fortement soudé mon devoir ; à toi j'envoie par écrit ce message, non pour montrer mon esprit mais pour témoigner mon devoir :
Devoir très grand, qu'un esprit si pauvre que le mien ferait paraître nu, par défaut de parole afin de l'exprimer; en espérant que quelque idée heureuse venue de toi dans la pensée de ton âme aura vêtu sa nudité ;
Jusqu'à ce que l'étoile qui conduit ma route brille sur moi bienfaisante en bénéfique aspect, et vête mon amour en loques, de beauté, que je puisse être digne d'une attention douce :
Puissé-je alors m'enhardir à me glorifier de t'aimer - jusque-là je cache ma tête là où tu peux me discerner.

27

Harassé par l'effort je me hâte à ma couche, cher repos pour les membres qu'a usés la peine, mais alors commence en ma tête un voyage qui exerce l'esprit quand jeu du corps faiblit.
Car mes pensées loin de là où je suis entreprennent vers toi dévot pèlerinage, maintenant élargies mes paupières tombantes, et fixent les noirceurs que l'aveugle sait bien.
Cependant de l'esprit la vue imaginante, sur mon aveugle vue a projeté ton ombre, qui joyau suspendu à la nuit ténébreuse fait belle la nuit noire, jeune son visage vieux.
Hélas ! ainsi de jour mes membres, de nuit mon esprit, par toi, aussi par moi, ne connaissent répit.

28

Comment puis-je revenir heureux au travail, quand je suis privé du bienfait du repos ? Quand le tourment du jour n'est pas calmé de nuit, mais que suis tourmenté la nuit avec le jour, le jour avec la nuit ?
L'un et l'autre (bien qu'ennemis en leur domaine) consentent à joindre les mains pour me torturer : l'un avec la besogne, et l'autre par l'angoisse, que plus je peine et plus de toi dois m'éloigner.
Pour plaire au jour, je lui dis que tu brilles et l'embellis si les nuages le ternissent ; de même je flatte la nuit brune à lui dire que tu redores le ciel quand les étoiles ne scintillent.
Mais le jour chaque jour tire langueur en longueur, et la nuit nuitamment fait mon chagrin plus lourd.

29

Quand disgracié de la fortune et du regard humain, seul je lamente mon sort déjeté, et j'importune le ciel sourd avec mes cris insensés, et regarde sur moi et maudis mon destin,
Me voulant comme un homme plus riche en espoir, fait comme lui, aussi fourni d'amis ; enviant l'art de l'un, l'influence de l'autre, mal contenté par tout ce qui le plus me plaît ;
Pourtant me méprisant presque dans ces pensées - par chance je pense à toi ; et alors mon état (pareil à l'alouette montant au point du jour), de terre morne vient chanter l'hymne au seuil du ciel.
Car ton amour nouveau ramène tel arroi, que je dédaigne de changer mon état pour celui des rois.

30

Quand, aux assises du doux silence pensant, j'appelle en souvenir les choses passées, je soupire l'absence de plusieurs choses cherchées, nouvelles plaintes sur vieux chagrins dilapident mon cher temps ;
Alors je puis mouiller mon œil, rebelle à couler, pour les précieux amis cachés dans la nuit sans date de la mort, pleurer nouvellement peine d'amour perdue, lamenter la dépense de bien des choses disparues ; Alors je puis mener des deuils passés, redire lourdement, de malheur à malheur, le triste compte de lamentation déjà lamentée, que je paie à nouveau comme si non payé.
Mais qu'entre-temps je pense à toi, ô cher ami, la perte est réparée et le chagrin fini.

31

Ton sein est enrichi par tous les cœurs que moi privé d'eux j'ai supposé morts et là règne l'amour et toutes les parties aimantes de l'amour et résident tous ces amis que je croyais ensevelis.
Que de sacrés et funèbres pleurs le cher religieux amour a-t-il arrachés à mes yeux comme intérêt dû aux morts, lesquels apparaissent maintenant avoir été dérobés et reposent couchés en toi.
Car tu es la tombe où l'amour enseveli doit vivre, tendu avec les drapeaux de mes amours mortes qui toutes t'ont livré des parties de moi-même, et ce dû d'un grand nombre est à la fin pour toi.
Leurs images que j'adorai dans toi je les contemple, et toi étant eux tous tu as tout le total de moi.

32

Si tu survis à mes jours ayant eu leur content, quand cette vile Mort couvrira mes os de poussière, et que par hasard une fois tu jettes nouveau regard sur ces pauvres maladroites lignes de ton amant qui n'est plus,
Et les compares avec les meilleures du temps, bien qu'elles soient outrepassées par toute autre plume, conserve-les pour mon amour et non pour leurs rimes, en dessous de la hauteur d'hommes plus favorisés.
Oh ! alors accorde-moi cette seule aimante pensée : "Si la Muse de mon ami avait grandi d'années grandissantes, son amour eût produit une plus belle chose née pour marcher dans les rangs d'un cortège meilleur ;
"Mais s'il est mort, et que viennent poètes meilleurs, je lis leurs vers pour la beauté, je lis les siens pour son amour."

33

Combien de fois ai-je vu le glorieux matin flatter le haut de la montagne d'un œil souverain, dorant les pâles eaux par divine alchimie ;
Permettre ensuite aux vils nuages de passer, en affreuse traînée sur sa céleste face, et puis cacher son visage au monde abandonné, glissant non vu avec sa honte vers l'ouest ;
Ainsi mon soleil de bonne heure a brillé, sur mon front, en toute triomphale splendeur, mais loin hélas, lui qui ne fut à moi qu'une heure, la région de nuage l'a maintenant masqué.
Et pour cela pourtant amour ne le dédaigne : soleils du monde peuvent ternir si le soleil du ciel ternit.

34

Pourquoi m'as-tu promis un si merveilleux jour, m'as-tu fait partir en voyage sans mon manteau, pour que d'affreux nuages me prennent sur ma route, voilant ton rayonnement de fumées corrompues ?
Ce n'est assez qu'à travers les nuages tu te montres, pour sécher la pluie d'orage sur ma face, car nul homme ne peut dire du bien d'un baume qui guérissant la plaie ne guérit pas la disgrâce ;
Ni ta honte ne peut donner remède à mon chagrin, bien que tu te repentes j'ai toujours la perte, la peine de l'offenseur n'apporte qu'un faible soulas à celui qui porte la croix de lourde offense.
Ah ! mais ces larmes, ce sont perles que ton amour verse ! elles sont riches, rachetant toute action perverse.

35

Ne sois plus affligé de ce que tu as fait : les roses ont des épines, les fontaines d'argent de la boue ; les nuages et éclipses ternissent soleil et lune, et le chancre hideux loge au bouton le plus doux.
Tous les hommes font des fautes, et moi de même en ceci, autorisant d'analogies tes transgressions, et moi-même me corrompant en absolvant ton manquement, en excusant tes péchés plus que ce ne sont péchés :
Car à ta faute sensuelle j'apporte ainsi une raison, - ta partie adverse est ton avocat, - et j'entreprends contre moi-même un plaidoyer selon la loi. Telle guerre civile existe entre ma haine et ma passion,
Que je dois être, nécessairement, complice de ce cher voleur qui me dépouille cruellement.

36

Laisse-moi dire que nous deux devons être deux, bien que nos amours indivisés soient un : ainsi ces taches noires qui demeurent en moi, sans ton aide, devront être portées par moi.
En nos amours il n'est qu'une seule intention, malgré que dans nos vies soit un mal qui sépare, et bien que n'altérant l'efficace d'amour, dérobe des temps doux aux plaisirs de l'amour.
Il ne m'est pas permis de toujours te connaître, de peur que mon péché pleuré te fasse honte ; tu ne peux m'honorer de publique bonté sans prendre cet honneur-là sur ton nom ;
Ne le fais point ; je t'aime en telle sorte que toi étant mon bien, mien est ton bon renom.

37

Comme se réjouit un père harassé, à voir son vif enfant agir dans la jeunesse, ainsi rendu boiteux par coups durs de fortune, j'ai réconfort en ta valeur et vérité.
Car que ce soit beauté, naissance, richesse, esprit, l'un de ces dons ou l'autre, ou tous, ou plus encore, anoblis dans tes biens ils restent couronnés, et je fais mon amour greffé sur ces trésors.
Ainsi ne suis-je infirme, pauvre, méprisé, tant que cette ombre-là produit telle substance, que je suis dans ton abondance satisfait et que par une parcelle de ta gloire, je vis.
Ce qui est le meilleur, je le souhaite en toi, et ce souhait je l'ai, donc dix fois heureux moi !

38

Comment ma muse manque-t-elle de sujets, tant que toi tu respires, qui verses tes motifs merveilleux dans mon vers, trop parfaits pour qu'un papier vulgaire les répètes ?
Oh remercie-toi, si quelque chose de moi, digne d'être parcouru est valable à ta vue ; car qui est si obscur qu'il ne puisse te dire, quand toi-même à l'invention donnes lumière ?
Sois la dixième Muse, dix fois plus en valeur que ces neuf vielles qu'invoquent les rimeurs ; celui qui en appelle à toi, fais-lui produire à vivre dans les temps des nombres éternels.
Si plaît ma pauvre Muse à notre époque étrange, que le labeur soit mien, mais à toi la louange.

39

Comment puis-je chanter comme il faut ta valeur, puisque tu es la meilleure part de moi ? Qu'apportera ma propre louange à mon propre moi-même, et qu'est-ce, quand je te loue, sinon mon moi-même ?
Ainsi vivons, pour cela même, séparés, que notre cher amour perde le nom d'unique, afin que par séparation je puisse donner : ce dû à toi que toi seul tu mérites.
O absence ! quel tourment tu serais, s'il n'y avait que ton cruel loisir donne douce permission de passer le temps par pensées d'amour, lesquels temps et pensée trahissent doucement,
Et que tu nous apprends à faire deux de l'un, en louangeant ici un qui se tient lointain.

40

Prends-moi tous mes amours, mon amour, prends-les tous ! Alors qu'as-tu de plus que tu n'avais avant ? Pas amour, mon amour, que tu puisses dire vrai amour : tout de moi était tien bien avant ce surplus.
Et si pour mon amour tu reçois mon amour, je ne puis te blâmer d'user de mon amour ; mais sois blâmé si tu me trompes moi toi-même par goût capricieux que refuses toi-même.
Je te pardonne ton larcin, gentil voleur, quoique tu te voles de toute ma pauvreté ; et cependant l'amour sait qu'il est pire peine à supporter chagrin d'amour qu'à connaître injure de haine.
Grâce lascive ! en qui tout mal apparaît beau, tue-moi de tes dédains, nous ne sommes rivaux.

41

Gentils forfaits que liberté commet, lorsque je suis absent quelquefois de ton cœur, ce convient bien à ta beauté et à ton âge, car toujours la tentation suit, là où tu es.
Tendre tu es, ainsi à conquérir ; et beau tu es, ainsi à attaquer ; et quand une femme désire, quel fils de la femme, cruellement la laisserait avant qu'elle eût triomphé ?
Pauvre de moi ! mais tu pouvais pourtant respecter ma maison et gronder ta beauté de jeune vagabond, qui t'entraînait dans son tumulte et jusque-là, où tu dois rompre une double fidélité, -
La sienne, par ta beauté qui la tente vers toi,- la mienne, par ta beauté étant fausse envers moi.

42

Que tu l'aies eu, n'est pas tout mon chagrin, l'on peut dire pourtant que chèrement je l'aimais ; qu'elle t'ait eu, c'est mon malheur cuisant, une perte en amour qui me touche plus près.
Aimant mes offenseurs, ainsi je vous pardonne : tu l'aimes elle car tu sais que je l'aime ; et pour mon bien de même elle doit me tromper, voulant que mon ami pour mon bien la possède.
Si je te perds, ma perte est gain pour mon ami ; si je la perds, l'ami a trouvé cette perte ; deux se trouvent l'un l'autre, moi je perds tous les deux, et les deux d'une croix me chargent pour mon bien.
Mais ici le triomphe : l'ami et moi c'est un. O flatteuse pensée ! donc c'est moi seul qu'elle aime.


43

Quand je cille mes yeux, alors mes yeux voient mieux, car tout le jour ils voient choses non absorbée ; mais quand je dors en rêve ils regardent vers toi, et brillant sombres sont conduits brillants dans le sombre.
Et toi, dont l'ombre fait brillantes les ombres, comment ton ombre formerait-elle heureuse forme au jour clair avec ta plus claire lumière, quand aux yeux non voyants éclaire autant ton ombre !
Comment, dis-je, pourraient mes yeux être bénis en regardant vers toi dans la vive journée, quand dans la morte nuit ta belle ombre imparfaite à travers lourd sommeil se colle aux yeux fermés !
Tous les jours sont des nuits jusqu'à que je te voie, et nuits de brillants jours où rêve te montre à moi.

44

Si ma pesante chair était de la pensée, la blessante distance n'arrêterait ma route, car en dépit d'espace je serais porté, des frontières au loin jusque-là où tu es.
Qu'importerait alors que mon pied fût posé sur une terre de toi bien éloignée, car l'argile pensée peut sauter mère et terre, aussi vite que penser l'endroit où voudrait être.
Hélas ! pensée me tue de n'être pas pensée, pour franchir les longs milles quand tu t'en es allé, et de devoir, pétri par tant d'eau et de terre, attendre en lamentant le bon plaisir du temps ;
Ne recevant des éléments si lents, que larmes lourdes, signes de mutuel tourment.

45

Les autres (l'air subtil et le feu purifiant) tous deux sont avec toi en tout lieu où je sois, le premier ma pensée et l'autre mon désir, présents absents glissant par rapides mouvements.
Car lorsque ces éléments vifs se sont rendus en une tendre ambassade d'amour auprès de toi, ma vie, formée de quatre et n'ayant plus que deux, sombre à la mort, de mélancolie oppressée ;
Jusqu'au point où la composition de vie est recouvrée, par ces rapides messagers arrivés de toi, qui même maintenant reviennent rassurés de ta bonne santé en me la racontant.
Cela dit, je suis joie ; alors non plus joyeux, je les renvoie,- et tout droit je deviens malheureux.

46

Mon œil et mon cœur en sont à guerre mortelle : comment répartir la conquête de ta vue ? Mon œil veut interdire au cœur de voir ta peinture, mon cœur dénie à l'œil franchise de ce droit.
Mon cœur plaide le fait qu'en lui seul tu demeures (coffret jamais percé par des yeux de cristal), mais l'autre défendant repousse l'argument, et dit qu'en lui se tient ta brillante apparence.
Pour décider l'affaire, jury est composé, formé des pensers tous habitants du cœur, et par leur verdict il est déterminé : la partie de l'œil clair, et la part du cher cœur.
Ainsi : due à mon œil est ta part extérieure ; le droit de mon cœur est l'intime de ton cœur.

47

De mon œil à mon cœur une entente est passée, chacun a des bontés pour l'autre maintenant. Lorsque mon œil a la faim d'une vue, ou le cœur en amour dans ses soupirs s'étouffe,
Par la peinture de mon amour mon œil festoie, et à ce banquet peint il invite mon cœur ; une autre fois mon œil est l'hôte de mon cœur, et vient prendre sa part à des pensers d'amour.
Ainsi que se soit par ta peinture ou par mon amour, toi-même absent es encor présent avec moi, car tu ne peux aller plus loin que mes pensées, moi toujours avec elles et elles avec toi.
Ou bien, quand elles dorment, ton image à ma vue vient réveiller mon cœur, pour faire le délice et de l'œil et du cœur.

48

Combien soigneux ai-je été, alors que j'ai pris ma route, de mettre chaque bagatelle sous les verrous les plus sûrs, afin que pour mon usage, non usée par mains de mensonge, elle pût rester en sûre garde !
Mais toi, auprès de qui mes joyaux sont bagatelles, toi le grand consolateur, à présent mon plus grand chagrin, toi le meilleur des plus chers et mon souci le plus certain, tu es laissé la proie de tout vulgaire voleur.
Je ne t'ai pas placé sous clé dans un coffret, sauf celui où tu n'es pas, bien que je croie que tu y es, dans le fond de la clôture tendre de ma poitrine, — où selon ton plaisir tu peux entrer sortir ;
Mais même là, je crois, tu seras dérobé ; pour une conquête si belle, la fidélité deviendrait infidèle.

49

En garde contre ce moment (s'il doit venir jamais) où je te verrai froncer sourcils sur mes faiblesses, quand, ton amour ayant jeté ses derniers sous, je serai mis en jugement pour causes motivées,
En garde contre ce moment où tu me croiseras étranger, et à peine me salueras de ce soleil de tes yeux, quand l'amour retourné de la chose qu'il était, trouvera bonnes raisons de sûre gravité ;
En garde contre ce temps, ici je me renforce en l'appréciation de ce qu'ai mérité, et ma main contre moi-même je la lève, pour mettre les légitimes raisons de ton côté.
Pour me quitter moi misérable, tu auras la force des lois — car de l'amour, je n'alléguerai le pourquoi.

50

Combien lourdement je voyage à ma route, quand ce que je désire, fin d'un pesant trajet, apprendra de penser au repos et à l'aise : "Si longs milles loin de ton ami sont mesurés !"
La bête qui me porte, alourdie par ma peine, pesamment marche, à porter en moi ce poids-là ; comme si la misérable savait d'instinct que son maître n'aime point vitesse au loin de toi.
L'éperon sanglant ne peut plus l'exciter, que parfois la colère enfonce dans son cuir, à quoi elle répond par sourd gémissement, plus pénétrant pour moi que l'éperon au flanc ;
Car ce gémissement a mis dans ma pensée : en arrière est ma joie, ma peine est en avant.
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